Suivre son coeur

# 5 Le bébé

Publié le 06/12/2018

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Laureline Maumelat

23 octobre 2018

C’était un mardi. J’avais réussi à terminer mes visites à domicile assez tôt et je me précipitai dans la salle d’attente. Assis seul dans la pièce, M. Renard me salua de la main. Aucune trace de l’inconnu.

Je passai le reste de la journée à guetter l’extérieur – le parking, les champs autour… –, m’attendant presque à le voir se matérialiser dans un nuage de fumée. J’avais supposé qu’en toute logique, s’il devait revenir, ce serait ce jour-là. Si tant est qu’il y ait eu une logique dans toute cette histoire.

Je conservais les deux pierres dans la poche de ma blouse pour ne pas oublier d’interroger le vieil homme à leur sujet. J’avais appris que la deuxième était une cornaline. Pourquoi me les déposait-il ? Il les laissait à mon intention, j’en étais persuadé, même si je ne comprenais pas la démarche.

Je n’avais rien découvert de particulier concernant les deux cailloux. Taillés, de forme ovoïde, pas plus gros qu’une pièce d’un euro, ils n’avaient pas une grande valeur marchande. Approfondissant mes investigations, j’avais même cherché une signification mystique, mais sans succès. Un lapis lazuli et une cornaline associés n’avaient pas de super pouvoir !

Au fur et à mesure que l’après-midi avançait, je désespérais de voir l’étranger apparaître. Et en effet, quand je saluai mon dernier patient, il ne s’était pas montré. Il était presque 20 heures ; je m’apprêtais à rentrer chez moi lorsqu’on tambourina à ma porte. Un homme suppliait. Se pourrait-il…

J’ouvris et un trentenaire affolé pénétra dans mon cabinet. Essoufflé, visage cramoisi, échevelé, il m’attrapa par les épaules et me secoua.

— Il arrive ! criait-il avec un fort accent hispanique.

Mes idées étant accaparées par mon mystérieux visiteur, je crus un instant que l’Espagnol y faisait référence. Je me ressaisis et tentai de calmer l’agitation du nouveau venu. Qui arrivait ?

— Le bébé ! Le bébé ! clamait-il en me tirant par le bras.

Je le suivis jusqu’à une berline grise garée en catastrophe. À l’arrière, j’aperçus une femme allongée. Paniqué, le futur papa m’expliqua que l’accouchement n’était programmé que le mois suivant et qu’ils étaient en vacances dans la région. Voyant que Mona, son épouse, avait des contractions, il avait cherché un hôpital mais s’était perdu. Peu de temps avant de trouver mon cabinet, il avait appelé une ambulance, mais il pensait que c’était trop tard. À la lumière du plafonnier, je constatai que nous ne pouvions plus attendre. Les cheveux du nourrisson étaient déjà visibles.

Le travail étant déjà bien entamé, je n’eus qu’à encourager Mona à pousser quand nécessaire, tout en maintenant le corps du nouveau-né pour l’aider à dégager ses épaules. J’avais les mains tremblantes, je n’avais pas pratiqué d’accouchement depuis mon internat et jamais dans de telles conditions. Alors que j’accueillais l’enfant dans mes bras, j’entendis les sirènes qui perçaient la nuit, auxquelles se joignit bientôt le cri de vie du nouveau-né.

Une fois la parturiente confiée aux soins des pompiers, je m’assis par terre, en sueur et hilare. Lorsque j’eus un peu retrouvé mes esprits, je me levai. Je comptais récupérer mon sac et rentrer chez moi pour me coucher. J’avais eu mon compte d’émotions pour la journée.

La cellule de la lampe extérieure détecta mon arrivée et s’alluma.

Au sol, sur le seuil de la porte, une boule de jade de la taille d’un œuf de caille m’attendait sagement. Déboussolé mais euphorique, je laissai libre cours au fou rire qui me gagnait.

Prochain épisode dans notre édition du 14 décembre

Passionnée de lecture et d’écriture depuis toujours, Laureline Maumelat a commencé, depuis quelques années, à participer à des concours de nouvelles, notamment sur le site Short Édition, avant de se lancer plus récemment dans la rédaction de textes longs. Elle se plaît à jongler avec différents genres, de la romance au contemporain, en passant par la fantasy.