La responsabilité des papillomavirus (HPV) oncogènes dans la genèse des cancers est variable selon les sites, allant de 100 % pour les cancers du col de l’utérus à 50 % pour ceux de la vulve, 80 % pour les cancers de l’anus, 50 % pour les tumeurs péniennes et de 30 à 70 % en ce qui concerne l’oropharynx.
Alors que, sur les sites non cervicaux, le HPV 16 est le génotype dominant, il n’est impliqué que dans de 50 % des précancers et 60 % des cancers du col. Il s’agit donc d’une situation bien différente de celle observée sur les autres sites, où la très grande majorité des cancers HPV-induits sont imputables au génotype 16. Sur les 6 500 cas de cancers HPV-induits chaque année, 3 000 sont situés sur le col et, dans les deux sexes, 1 600 au niveau de l’anus et 1 700 au niveau oropharyngé.
Un pic d’infection plus précoce chez les femmes
Chez les femmes, les infections génitales par le HPV surviennent avec un pic vers l’âge de 25 à 30 ans, soit plus tôt que chez les hommes, chez lesquels le pic de prévalence des infections génitales à HPV se situe vers 35 ans. Autre différence : l’incidence cumulée de l’infection à HPV diminue avec l’âge chez les femmes, alors qu’elle ne se modifie pas chez les hommes, qui restent ainsi transmetteurs toute la vie durant.
Les données épidémiologiques colligées depuis plusieurs années ont aussi permis d’identifier des populations à haut risque d’infection anale, que sont les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les sujets immunodéprimés, notamment ceux séropositifs pour le VIH. Leur risque de lésion anale précancéreuse est multiplié par un facteur 20 à 30 par rapport à la population générale.
Les infections oropharyngées sont de 2 à 3 fois plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes (prévalence estimée à 7 %, vs 3 %). On observe deux pics de fréquence, à 30 ans et 55 ans, et ce dans les deux sexes, mais avec une prévalence 3 à 5 fois moindre chez les femmes.
Accroître la couverture auprès des plus défavorisées
Des recommandations existent depuis 2019 en France pour la mise en place d’un dépistage organisé (DO) du cancer du col de l’utérus dans différents territoires avec un changement d’outil puisque, chez les femmes de plus de 30 ans, le test est désormais virologique (test HPV) et non plus cytologique. Ce rationnel repose sur deux arguments forts, appuyés par les résultats d’essais randomisés. Le recours au test HPV en dépistage primaire augmente la sensibilité de 30 % pour les lésions précancéreuses (CIN) de haut grade comparativement à la cytologie, ce qui se traduit par une augmentation de leur détection et ce de manière plus précoce, et donc in fine par une baisse de l’incidence des cancers invasifs du col, estimée à 70 %, sous réserve d’une large couverture. Un test HPV négatif instantané apporte une protection au long cours à 95 % (de 5 à 10 ans) vis-à-vis des lésions de haut grade, ce qui autorise l’espacement en toute sécurité de l’intervalle de dépistage à 5 ans.
L’un des principaux objectifs du DO, en France comme dans d’autres pays occidentaux, est d’accroître la couverture du dépistage dans les populations les plus défavorisées, sous-dépistées, qui sont celles qui paient aujourd’hui le plus lourd tribut au cancer du col. Réduire les inégalités et améliorer les pratiques est un défi actuel, ce qui demande un minimum d’évaluation des pratiques.
Des outils pour mieux stratifier le risque
Mais le test HPV permet de détecter un virus, et non pas une maladie, ce qui pose la question de sa valeur prédictive positive. Chez une femme de plus de 30 ans, le risque de CIN 3 en cas de test HPV positif n’est que de 4 %. Il faut donc réaliser un triage des tests HPV positifs, et celui-ci se fonde actuellement en France sur la cytologie. Si la cytologie est positive, la femme est référée pour une colposcopie ; si la cytologie est négative, un nouveau test est réalisé un an plus tard.
Cette approche a ses propres limites : problème des perdues de vue à un an, et biais d’interprétation des examens cytologiques. Le fait de savoir que le test HPV est positif entraîne en effet une tendance au surdiagnostic d’Ascus et de lésions de bas grade, ce qui, en pratique, se traduit par un doublement voire un triplement des colposcopies, observé dans beaucoup de pays qui ont mis en place le dépistage HPV. Ce phénomène impose d’affiner la spécificité du test. On peut se fonder sur les types viraux, et moduler la stratégie en fonction du génotype viral. Autre outil : le recours aux marqueurs de méthylation, qui permettent de différencier les lésions de haut grade récentes (moins de 5 ans), qui ont peu d’altérations moléculaires, des lésions plus anciennes, dont les taux de méthylation sont élevés et qui sont plus à risque évolutif.
Ainsi, l’avenir s’ouvrira probablement vers des stratégies fondées sur un score de risque, à l’instar de ce qui se fait aux États-Unis, score fondé notamment sur le génotype viral et le degré méthylation, afin de proposer une prise en charge personnalisée des femmes ayant un test HPV positif.
Entretien avec le Dr Joseph Monsonego, président du programme scientifique du congrès Eurogin
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