Dans les cancers du rectum, seulement certaines petites tumeurs stade T1 (moins de 5 % des cas) sont actuellement traitées par tumorectomie. Dans 95 % des cas, le traitement standard est la chirurgie d’exérèse du rectum (et mésorectum), habituellement précédée d’un traitement néo-adjuvant (radiothérapie et chimiothérapie pré-opératoire).
Même si le sphincter de l’anus peut de plus en plus souvent être conservé (moins de colostomies définitives), la chirurgie d’exérèse du rectum reste lourde : 2 à 3 % de mortalité opératoire (voire 8 à 10 % après 75 ans), 30 à 40 % de morbidité (impuissance, séquelles digestives [diarrhées, constipations, envies pressantes], incontinences anales, voire stomies définitives).
Rationnel d’une préservation de l’organe.
Le cancer du rectum autrefois radiorésistant est devenu radiosensible grâce au couplage avec une chimiothérapie néoadjuvante qui a multiplié par deux son efficacité : 20 à 25 % des petites tumeurs (T2 ou T3) sont stérilisées (ypT0) et 10 % presque stérilisées ou « sub-stérilisées » (ypT1).
D’où le rationnel de l’étude GRECCAR 2 dont les résultats préliminaires (suivi à 2 ans attendu en 2015) sont rapportés par le Pr Éric Rullier, « Près de 50 % des patients ayant une tumeur T2 ou T3 du bas rectum pourraient être traités par tumorectomie après traitement néoadjuvant ».
L’étude GRECCAR 2 a inclus entre 2007 et 2012, 195 patients volontaires avec tumeur du bas rectum de stade T2 ou T3, ≤ 4 cm.
• Après traitement néoadjuvant, 148 patients (71 %) étaient considérés bons répondeurs (tumeur après traitement ≤ 2 cm à l’IRM). Éligibles à une tumorectomie, ils étaient randomisés par tirage au sort (chirurgie classique ou tumorectomie).
• La bonne réponse IRM était confirmée à l’anapathologie de la pièce de tumorectomie chez 61 % (40 % des T0, 21 % des T1) des bons répondeurs (61 % des 71 % = 43 % des patients, soit presque 50 % des stades T2 ou T3) !
• Pour les 39 % des 71 % où la bonne réponse IRM n’était pas confirmée par anapathologie, une exérèse du rectum était pratiquée.
Pour le Pr Éric Rullier, « cet essai de tumorectomie dans le cancer du rectum s’intègre dans un mouvement de désescalade thérapeutique initié dans tous les cancers digestifs, grâce aux progrès thérapeutiques et aux concertations pluridisciplinaires. Dans la balance risques/bénéfices d’une tumorectomie, intervient la morbimortalité per et postopératoires des chirurgies d’exérèse du rectum, l’incertitude sur le pronostic carcinologique -mais le risque métastatique ganglionnaire apparaît nul dans les stades ypT0 ou T1 à partir de tumeurs sélectionnées-, sans oublier la préservation de la qualité de la vie. D’où l’intérêt considérable que suscite cette approche thérapeutique, source de progrès potentiels fantastiques dans la prise en charge des cancers du rectum ».
D’après un entretien avec le Pr Éric Rullier, CHU de Bordeaux, investigateur principal de l’étude GRECCAR 2.
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