L’annonce d’une maladie chronique

En dire ni trop, ni trop peu

Publié le 27/10/2014
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Crédit photo : PHANIE

Quel que soit l’âge du patient, l’annonce d’une maladie chronique doit obéir à certains principes. Parmi ceux-ci, disponibilité, calme et empathie. Des qualités qui ne sont pas un luxe, mais une nécessité, associées, bien sûr, à une information fiable et de qualité. Mais face à un adolescent, cette information doit-elle être calibrée ? Qu’est-il prêt à entendre, et surtout, prêt à accepter ? La réponse est simple, mais toute en subtilité : tout dépend de l’adolescent.

Décentrage et authenticité

Avant de commencer, il faut d’abord « prendre la température », explique le Dr Paul Jacquin, pédiatre à la Maison des adolescents de Robert Debré. « Il faut se demander qui on a en face de soi, ce qu’il sait, ce qu’il a lu sur Internet, etc. », ajoute-t-il. Se décentrer, donc. Pour être au plus près de l’adolescent. Il faut « essayer de comprendre ce qu’il se représente, et dans quel état il est ». Le plus souvent, souligne le médecin, l’annonce d’une maladie chronique remet en cause leur « normalité ». « La première chose à laquelle il pense, c’est qu’il n’est pas comme les autres », précise le Dr Jacquin. Une problématique à laquelle il sera nécessaire de répondre, en apportant des informations concrètes sur la gestion de la maladie. Dans ce cadre, une chose est sûre : « Il ne faut pas les prendre pour des imbéciles », énonce franchement le Dr Jacquin. « Il faut être clair, ne pas dissimuler la vérité, et éviter de donner des demi-informations », ajoute-t-il. Quant au comportement à adopter : « Il ne faut pas être artificiel. » Petits mensonges, banalisations et minimisations sont à proscrire d’autant plus face aux adolescents. L’authenticité, de l’attitude et de l’information dispensée, est donc une règle à tenir auprès d’un adolescent. Faut-il pour autant tout révéler dès la première consultation ? Non, prévient le Dr Hervé Lefèvre, chef de service adjoint à la maison de Solenn, qui évoque la nécessité de diviser l’annonce en plusieurs temps. Selon ce pédiatre diabétologue, rien ne sert de saturer l’adolescent d’informations. Car toutes aussi claires qu’elles puissent être, l’ado dispose de son propre filtre de compréhension. « Entre ce qu’on lui dit, ce qu’il veut entendre, ce qu’il peut entendre et ce qu’il fait semblant d’entendre, il y a un fossé », observe le Dr Paul Jacquin. Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à proposer des consultations de « ré-annonce », à certaines étapes du suivi, parfois même plusieurs années après le diagnostic.

Disponibilité et anticipation

Une maladie diagnostiquée dans l’enfance, par exemple, peut susciter de nombreuses questions à l’arrivée de la puberté. La « ré-annonce » est ainsi l’occasion de ré-injecter des réponses, et de corriger de fausses représentations enkystées, sur des thématiques plus adultes, comme la sexualité, la possibilité de fonder une famille, etc. Selon le Dr Paul Jacquin, il est important d’anticiper et de se projeter vers l’avenir, en même temps que l’adolescent. Il est important de répondre à la question, plus ou moins posée par l’adolescent : « Qu’est-ce que je vais pouvoir faire plus tard avec ma maladie ? » D’autant que l’ado devra « apprendre à concilier contraintes maladie et volonté de s’autonomiser », relève le Dr Hervé Lefèvre. Dans l’appréhension de la maladie chronique, qu’il s’agisse d’un diabète, d’une épilepsie (etc.), l’étayage familial est bien sûr essentiel. C’est pourquoi la communication sur la maladie est tout aussi incontournable auprès des parents en prenant garde à ne pas rompre une confidentialité établie avec le jeune adolescent.

Autre point à aborder : la culpabilité ressentie par ce dernier à l’égard de ces parents. Le moment de l’annonce est toujours éprouvant, vécu comme un drame tant par l’adolescent, que par ses parents. Il est important de rassurer le jeune sur sa non-culpabilité. Celle-ci étant un obstacle potentiel au deuil. Un deuil de « la vie d’avant » difficile à accomplir mais plus vite la maladie est acceptée, moins le risque de « clivage » et de « pseudo-acceptation » est important, rapporte le Dr Paul Jacquin. Si les capacités internes d’élaboration de l’adolescent, de même que l’étayage des parents, influencent son adhésion, la disponibilité et l’ouverture du praticien - en tant que tiers - ont un rôle essentiel à jouer. Dans la prise de conscience de la maladie, et de la prise d’autonomie de l’adolescent.

Dr Ada Picard

Source : Le Quotidien du Médecin: 9360