LE QUOTIDIEN. Pour quelles raisons avoir créé un registre international sur la tolérance de la vaccination contre le SARS-CoV-2 ?
Pr XAVIER MARIETTE. Dès janvier 2021, nous disposions de vaccins anti-Covid. Cependant, toutes les études cliniques de phase 2 et 3, mises en place pour évaluer l’efficacité et la tolérance de ces vaccins, ont exclu les patients souffrant de maladies rhumatologiques inflammatoires/auto-immunes. La sécurité de la vaccination dans ces populations a ainsi soulevé de nombreuses questions. Certains patients ont peur que leur maladie auto-immune ne s’aggrave ou que la vaccination en déclenche une autre. Cette inquiétude s’est répandue sur les réseaux sociaux antivax. Il était donc nécessaire d’avoir des données solides sur la vaccination. Nous avons ainsi, avec la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR), décidé de créer un registre international (EULAR-COVAX) des patients atteints de maladies rhumatologiques inflammatoires/auto-immunes ou d’autres pathologies rhumatologiques mécaniques (arthrose, lombalgie, lombosciatique…) afin d’avoir un groupe comparateur et vacciné (première ou deuxième injection) contre le Sars-CoV-2.
Un formulaire très simple à remplir, a été mis en ligne pour les médecins rhumatologues et les internistes. Les données recueillies concernent la vaccination anti-Covid, le diagnostic de maladie rhumatologique, l’activité de la maladie, les traitements immunomodulateurs et immunosuppresseurs, les poussées, les évènements indésirables et les infections Covid-19. L’objectif principal est d'évaluer de façon fiable la tolérance, notamment le risque de rechute de la maladie inflammatoire, et d’autres effets secondaires dans les trois mois suivant la vaccination. Ce formulaire prend entre deux et cinq minutes à remplir en consultation, selon que le patient a présenté ou non une complication de la vaccination ou une poussée de sa maladie post-vaccination.
Quels sont les principaux résultats de l’étude ?
Du 5 février au 27 juillet 2021, l’étude a inclus 5 121 patients dans 30 pays dont une majorité en France (40 %), en Italie (16 %) et au Portugal (14 %). Parmi eux, 4 604 patients (68 % de femmes, âge moyen 60,5 ans) souffraient de maladies rhumatologiques inflammatoires/auto-immunes et 517 patients (77 % de femmes, âge moyen 71,4 ans) avaient des pathologies d’origine mécanique (groupe comparateur). Les diagnostics les plus fréquents étaient la polyarthrite rhumatoïde (33 %), les connectivites (18 %), les spondyloarthrites (11 %), le rhumatisme psoriasique (10 %) et les vascularites (12 %). Au moment de la vaccination, 54 % des patients étaient sous traitements de fond synthétiques conventionnels, 42 % étaient traités par des biologiques ou des traitements ciblés et 35 % étaient sous immunosuppresseurs. La plupart des patients ont reçu le vaccin Pfizer/BioNTech (70 %), AstraZeneca (17 %) et Moderna (8 %).
Une affection Covid post-vaccination a été signalée dans 0,7 à 1,1 % des cas, selon le statut vaccinal (entièrement ou partiellement vacciné). Concernant la sécurité des vaccins, les résultats sont très rassurants pour les rhumatologues et les patients. Des effets indésirables précoces bénins et classiques (douleur au site d’injection, fatigue, céphalées, douleurs musculaires…) ont été signalés dans 37 % des cas, une fréquence identique à celle retrouvée dans les essais cliniques des vaccins à ARNm dans la population générale.
Des effets indésirables sévères n’ont été rapportés que dans 0,4 % des cas. Ils étaient très divers, avec une fréquence comparable et même inférieure à celle observée dans le groupe comparateur ayant une pathologie rhumatologique mécanique. Ce pourcentage est semblable à celui des groupes vaccinés et placebo des grands essais cliniques de phase 3 des vaccins, ce qui suggère que ces effets indésirables graves ne sont sans doute pas liés au vaccin. Quant au risque de poussée, il était faible (4,4 % des cas) dont seulement 0,6 % de poussées sévères. Là encore, y avait-il un rôle du vaccin ou s’agissait-il de l’évolution naturelle de la maladie ?
Quelles conclusions peut-on tirer en pratique ?
Il s’agit de la plus grande étude en vraie vie chez près de 5 000 sujets ayant un rhumatisme inflammatoire ou une maladie auto-immune. La quasi-totalité des patients a bien toléré la vaccination anti-Covid, avec de rares poussées et de très rares effets indésirables sévères, probablement non liés à la vaccination.
Ces données de bonne tolérance sont une contribution importante aux arguments avancés pour inciter les patients atteints de maladie inflammatoire/auto-immune à se faire vacciner, et favoriser leur confiance dans la sécurité du vaccin. Ces résultats mériteraient d’être mieux connus par la communauté médicale, au moment de cette cinquième vague où il faut insister sur la nécessité du rappel de la vaccination après cinq mois. C'est particulièrement le cas chez certains patients souffrant de maladies rhumatologiques inflammatoires/auto-immunes qui sont plus à risque de formes sévères de Covid-19 : ceux présentant une maladie active ou prenant certains médicaments (corticoïdes à des doses supérieures à 10 mg/j, mycophénolate mofétil, azathioprine, rituximab…).
Une seule consigne : vacciner (sauf contre-indication allergique exceptionnelle) quels que soient l’activité de la maladie et les traitements en cours.
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