Covid-19, les leçons à mi-parcours : « Rien n’autorise à s’affranchir des bases de la méthode des essais thérapeutiques »

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Publié le 17/04/2020
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Que faudra-t-il retenir de la crise que nous traversons ? La question a été posée par Le Généraliste à dix experts (médecin, économiste, sociologue…). Voici la réponse du Dr Denis Pouchain, généraliste et enseignant.

« Cette crise a bousculé la recherche clinique en obligeant à être très réactif. Compte tenu du besoin aigu d’informations, les publications se sont accélérées. Cependant, la diminution des délais est souvent synonyme de détérioration de la qualité. La recherche demande du temps. Ce n’est pas parce que la situation est grave et urgente qu’il faut s’affranchir des bases fondamentales de la méthode des essais thérapeutiques et de leur publication. En prenant l’exemple de l’hydroxychloroquine, l’essai publié par le Pr Raoult contient globalement tous les biais majeurs que peut offrir un essai thérapeutique. Les conclusions tirées par les auteurs vont bien au-delà de ce qui est réellement démontré, ce qui est grave, dangereux, voire malhonnête. Faire des études avec une intervention médicamenteuse sans véritable groupe témoin apparié, c’est renoncer à 150 ans de méthode expérimentale validée par la communauté scientifique internationale ! A contrario, l’essai randomisé chinois sur l’association lopinavir-ritonavir, publié dans le NEJM, est plutôt bien fait et montre qu’il est possible de respecter les bases méthodologiques tout en allant vite.

Patients à risque Un autre point marquant de cette crise est la forte réduction de l’activité des généralistes et l’impact que cela peut avoir sur les patients à risque. Il est probable qu’à la fin de l’épidémie, on constate une surmorbidité voire une surmortalité non directement liée au Covid-19. Pendant un moment, les Français ont été incités à ne pas aller chez leur médecin, et cela risque d’être lourd de conséquences. Il ne faut pas dire aux gens de ne pas consulter ! À l’avenir, ce constat doit pousser les autorités sanitaires à repenser la place de la médecine générale dans le système de soin pour protéger l’activité hospitalière de la saturation, mais aussi nous faire réfléchir sur notre relation médecin-patient. Normalement, en France, c’est le patient qui prend l’initiative de la consultation. Mais dans certaines situations, une démarche contraire à la déontologie établie – contacter des patients à risque pour qu’ils consultent – ne peut-elle pas leur apporter un bénéfice ? La question mérite d’être étudiée. »


Source : lequotidiendumedecin.fr