VIES DE MEDECIN

Patricia Vaduva : Miss prévention

Publié le 07/03/2019
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Numerus clausus chez les MissC’est une " épidémie » au pays des Miss ! Etudiantes en écoles d...

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Crédit photo : BARBARA GUICHETEAU

Le 19 décembre, Patricia Vaduva était devant son poste de télévision pour suivre l’élection de Miss France 2016.

En famille, comme chaque année. Espérant, fair-play, que « Miss Bretagne [son ex-rivale] irait le plus loin possible dans la compétition ». Elle s’en défend mais une pointe d’amertume l’a certainement étreinte dans la soirée. Car ce titre, elle l’a aussi convoité. Seulement, le jury en a décidé autrement. Élue Miss Côtes-d’Armor le 16 septembre, Patricia Vaduva a dû s’incliner en finale régionale, deux semaines plus tard.

Une déception, mais pas un drame pour cette jeune médecin, actuellement interne en hématologie au CHU de Rennes. « Je ne m’attendais pas du tout à gagner », lâche tout net celle qui tentait pourtant sa chance pour la seconde fois… Sa première participation au concours remonte en 2012. Durant l’été, entre sa 3e et sa 4e année de médecine, elle se présente aux présélections départementales, chez elle, près de Saint-Brieuc. Un rêve de petite fille ? Même pas. Plutôt un coup de tête et « l’envie de se faire chouchouter une journée » : une « bulle d’air » après trois années d’études « prenantes ». Cette saison-là, elle est élue 2e dauphine et décroche de facto un ticket d’entrée à l’élection de miss Bretagne, où elle finit… recalée. Une expérience nouvelle pour cette étudiante brillante, habituée à truster le haut des classements scolaires.

À 18 ans, elle obtient son bac scientifique avec « une moyenne de 18,26 », puis réussit d’emblée sa première année de médecine. Si elle se reconnaît « des facilités en langues et une rigueur dans le travail », elle estime aussi avoir bûché « dur » pour y arriver. En 2012, l’arrêt prématuré de son aventure glamour signe son retour, à la rentrée, sur les bancs de la fac de médecine à Rennes. Dommage car cette globe-trotteuse dans l’âme se serait quand même bien vue faire le tour du monde, bardée de la fameuse écharpe des Miss. À défaut, c’est en blouse blanche qu’elle s’expatrie un semestre Outre-manche pour un stage Erasmus à l’hôpital de Manchester : « Un programme de plus en plus ouvert aux étudiants en médecine. » Elle-même se voit d’ailleurs bien « repartir à l’étranger durant son internat, en Angleterre ou en Australie ». On la croit sur parole tant la jeune femme affiche une détermination et une capacité d’adaptation sans failles.

Explorer l’humain

Preuve en est son parcours singulier. Née en Roumanie, elle quitte, à 12 ans, amis et patrie pour rejoindre sa mère, neurologue hospitalière, émigrée en France plusieurs mois avant sa fille et son mari. De cet épisode potentiellement déstabilisant, elle conserve au contraire un bon souvenir : « Je ne plongeais pas dans l’inconnu. Ma tante, néphrologue, était déjà établie en Alsace et j’avais eu l’occasion d’y venir plusieurs fois avant de déménager. À mon arrivée à Saint-Brieuc, je me suis très vite intégrée. » S’ensuit une scolarité sans accrocs, motivée par une vocation précoce : « Faire de la recherche dans l’humain. » La lycéenne hésite juste un temps sur la manière de donner corps à son projet : « Soit en suivant des études d’ingénieur [comme papa] ou de santé [comme maman]. » Elle choisit finalement cette dernière filière, tout en étant convaincue de son « allergie » pour la médecine clinique : « Enfant, j’ai vu ma mère tellement absorbée par son travail que cela ne m’a pas donné envie a priori. » Une défiance qui s’effrite rapidement « au contact des patients ». Dès sa 2e année, elle intègre une association, dont le but est de « proposer des activités aux personnes hospitalisées ». Un engagement à mettre, selon elle, sur le compte de son histoire personnelle : « Sans en avoir directement souffert, je viens d’un pays où l’accès aux soins a longtemps été complexe. » Et d’ajouter, pudique : « Ma famille a également été confrontée à certaines pathologies graves. » D’où son soutien aujourd’hui à diverses associations, dont la fédération France AVC (voir encadré). Sensibilisée par sa mère, présidente de l’antenne départementale des Côtes-d’Armor, la jeune femme milite pour une meilleure prévention des accidents vasculaires cérébraux, « première cause de handicap physique des adultes en France ».

Liberté de parole

Son externat bouclé, elle voit dans le concours Miss France une opportunité de « donner de la visibilité aux causes qui [lui] tiennent à cœur » et décide de rempiler pour un second round. Trois ans après sa première participation, elle retrouve les coulisses de l’événement, avec son ambiance particulière : « Toutes les filles veulent partir à Tahiti pour le voyage de préparation à l’émission », sourit-elle. « Après, certaines prennent cela très au sérieux, d’autres de manière plus spontanée. » Cette fois, sa maturité fait la différence auprès des jurés qui la sacrent Miss Côtes-d’Armor 2016. Dans la foulée, les médias la sollicitent et elle profite de cette tribune ouverte pour faire passer ses messages en faveur de la prévention et de la recherche médicale. « Sans se monter la tête », elle songe à la possibilité de « prendre six mois de disponibilité ». Si jamais… Mais à l’issue de la finale régionale, elle part non pas en Polynésie mais au Mexique, pour une trêve de quelques jours, avant de débuter son internat en novembre, toujours au CHU de Rennes. Tentée par plusieurs spécialités, dont la neurologie ou la rhumatologie, elle a opté l’été dernier pour l’endocrinologie, avec la perspective de pouvoir « combiner activités cliniques et de recherche », tout en conservant la possibilité d’exercer « en hôpital comme en libéral ». À 24 ans, l’âge limite des Miss, elle tient à sa liberté de choix et de parole, quitte à détonner dans le milieu de la santé et l’univers – « cadré » – du concours de beauté. L’emballement médiatique passé, elle continue à répondre aux sollicitations locales, pour le Téléthon ou la campagne en faveur du don du sang, malgré « un emploi du temps très chargé et une montée en responsabilités ». À l’avenir, elle espère juste que son titre n’impacte pas sa légitimité professionnelle. « À l’internat, à Saint-Brieuc, on a affiché un portrait de moi et j’entends ici et là des commentaires… » Rien de désobligeant pour le moment. « On peut être Miss et en avoir dans le crâne » : dans tous les cas, Patricia Vaduva assume.

Barbara Guicheteau

Source : Le Quotidien du Médecin: 9461
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