« La décision de maintien de l’aptitude dans le contexte d’une alcoolisation chronique est difficile », explique le Dr Pascal Hefti*. « Il s’agit d’évaluer le risque que présente la poursuite du travail: pour la santé du salarié mais aussi celui qu’il peut faire courir à ses collègues de travail et, éventuellement, à des tiers. À ces considérations s’ajoute souvent une pression de l’employeur ». Le groupe de travail du service de santé au travail du Mans*, qui a travaillé sur cette question, s’oppose à tout dépistage systématique même pour les postes de sécurité. Il n’y aurait pas de données bibliographiques concernant l’accidentabilité au travail en lien avec l’alcoolisme chronique. « Il est facile de faire le lien entre alcoolisation aiguë et accidentabilité car il suffit de relier des événements à un taux facile à mesurer, souligne le Dr Hefti. Quantifier, mesurer une alcoolisation chronique est impossible du fait de la labilité, de la variabilité, de la non-spécificité des signes cliniques et biologiques de celle-ci. Le diagnostic d’alcoolisation chronique est longtemps probabiliste, reposant sur un faisceau d’arguments et laissant une large place à la subjectivité de l’examinateur. À partir de cette constatation, il devient évident qu’une approche objective de la dangerosité, pour soi-même et les autres, de l’alcoolisation chronique, est impossible ».
Un avis incontournable.
« Notre groupe a affirmé l’intérêt du questionnement systématique de tous les salariés que l’on reçoit en consultation, sur leurs habitudes de consommation de boissons alcoolisées. C’est le moyen d`ouvrir une porte, de lever un non dit éventuel, de faire passer un message de prévention, de mettre en reflet ce que nous répond le salarié et ce que nous constatons cliniquement ». Le dossier médical reste également la mémoire de toutes les prescriptions, orientations, actions mises en œuvre pour maintenir le salarié dans l’emploi et répondre à l’obligation réglementaire de moyens. Enfin si l’inaptitude est prononcée, le médecin du travail prendra la précaution d’informer le salarié de sa possibilité de contester son avis. On voit bien ici qu’entre l’évaluation de la santé, les exigences du poste de travail, le droit et la nécessité de travailler, il est demandé au médecin du travail une prise de décision et donc une responsabilité qu’il assume malgré des contraintes antinomiques. « La visite médicale reste donc un temps de prévention. Le médecin du travail y a entièrement sa place et sa légitimité… D’ailleurs la loi clarifie les choses et inclut bien ce champ dans la santé au travail », conclut le Dr Hefti.
*Santé au travail 72.
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