MALGRÉ les conseils de prévention solaire dispensés depuis une quarantaine d’années, la courbe du mélanome ne s’infléchit pas. Si d’autres facteurs que les UV sont en cause, il n’empêche que le comportement héliotrope de la population a sa part de responsabilité. De nombreuses mutations sont liées aux UV.
« Peut-on alors agir sur la mortalité, en termes de dépistage, ou de traitement ? interrogeait le Pr Jean-Jacques Grob. On peut espérer dépister de plus en plus tôt les mélanomes à croissance lente ou a croissance dite normale, déclarait-il. C’est d’ailleurs ce que nous faisons. Reste le cas des mélanomes agressifs qui tuent si on ne les dépiste pas tôt et même très tôt. Dans ce cas, comme dans celui du mélanome métastatique, tous les espoirs résident dans les traitements ». En sachant que la chirurgie précoce reste le traitement le plus efficace du mélanome et que la chirurgie des métastases isolées doit rester prioritaire.
Le phénomène de mélanocarcinogénèse est complexe. On sait quand même qu’il existe des « melanome drivers », c’est-à-dire des mutations qui confèrent un avantage à la cellule tumorale à un moment ou un autre de son développement. Le principe des thérapies ciblées est de bloquer ces « melanome drivers ».
Immunothérapie.
Le mélanome est une tumeur hautement immunogène. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, différentes approches ont évalué l’intérêt de vaccinations (sans résultats concluants) et de l’immunothérapie sélective. L’interféron est efficace dans le traitement adjuvant précoce mais ne semble pas efficace en phase évolutive, quelle que soit la dose.
« Aujourd’hui, soulignait le Pr Grob, on cible de nouveaux check points immunologiques, c’est-à-dire des systèmes de rétrocontrôle immunologique entre la cellule effectrice et la cellule cancéreuse ». Ainsi, l’ipilimumab est une immunoglobuline humaine IgG1 anti-CTLA4 (cytotoxic T lymphocyte antigen 4) qui a démontré pour la première fois, dans des études de phase III, une amélioration de la survie globale à 24 mois estimée à 3,7 mois pour la dose de 3 mg/kg en deuxième ligne de traitement chez les patients atteints de mélanome métastatique (1). Les durées de réponse dans l’étude comparant l’ipilimumab à la dose de 10 mg/kg + dacarbazine versus dacarbazine seule sont respectivement de 19,3 mois et 8,1 mois (2).
L’ipilimumab a obtenu une autorisation de mise sur le marché en juillet 2011. La commercialisation de cette molécule pour le traitement de deuxième ligne ou plus des mélanomes métastatiques est en attente de prix. À signaler que moins de 20 % des patients sont répondeurs. La recherche de biomarqueurs prédictifs de réponse est donc une priorité.
Les inhibiteurs de PD1 (programmed cell death protein 1) et de son ligand représentent une autre voie très prometteuse en immunothérapie et fait l’objet de plusieurs essais thérapeutiques en cours.
Thérapies ciblées.
En plus du rôle important joué par l’immunité, la majorité des mélanomes présentent une activation anormale de la voie des MAPK (Mitogen-activated protein kinases).
La mutation V600E du gène BRAF est la plus fréquente, puisqu’elle touche environ 1 patient sur 2. Un essai clinique de phase III a montré une amélioration significative de la survie globale des patients atteints de mélanome métastatique traités par vémurafenib, inhibiteur sélectif de BRAF muté, comparativement aux patients traités par une chimiothérapie de référence (3). Cette molécule doit être réservée aux patients porteurs de la mutation. Plus de 50 % des patients présentent une réponse rapide et spectaculaire, mais la majorité rechute après 6 à 8 mois de traitement en moyenne suggérant l’émergence de mécanismes de résistance. Le vémurafenib est commercialisé depuis mars 2012 pour le traitement de première ligne ou plus, des mélanomes métastatiques présentant la mutation BRAFV600E. Des essais cliniques avec d’autres inhibiteurs de BRAF (dabrafenib) ou associant plusieurs inhibiteurs sélectifs, afin de limiter l’émergence de résistances, sont en cours.
Moins fréquemment, certains mélanomes présentent des mutations de CKIT ou de NRAS. Des traitements par d’autres inhibiteurs spécifiques sont actuellement en cours d’évaluation, tels que les anti-MEK par exemple le trametinib (MEK est situé en aval de BRAF sur la voie des MAP-kinases).
Travailler ensemble et restaurer la santé.
« Devant le nombre croissant de molécules, les essais vont devoir évoluer, insistait le Pr Grob. Il va falloir changer de culture, les industriels vont devoir travailler ensemble. La société ne va pas pouvoir assumer les coûts de survie sans restauration de la santé des patients ; c’est pourquoi il est essentiel de diagnostiquer la maladie précocement et d’optimiser la gestion des patients. Les coûts excessifs des traitements ne doivent pas freiner une prise en charge efficace. Il faut adopter un système vertueux gagnant-gagnant entre la société et l’industrie. Et que la société ait le pouvoir de décision ».
D’après la conférence plénière du Pr Jean-Jacques Grob (service de dermatologie et cancérologie cutanée, hôpital de la Timone, Marseille) : « Le dermatologue et le mélanome. D’où venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? ».
(1)Hodi FS et coll. Improved survival with ipilimumab in patients with metastatic melanoma. N Engl J Med. 2010 Aug 19;363(8):711-23.
(2) Robert C et coll. Ipilimumab plus dacarbazine for previously untreated metastatic melanoma. N Engl J Med. 2011 Jun 30;364(26):2517-26.
(3) Chapman PB et al. Improved Survival with Vemurafenib in Melanoma with BRAF V600E Mutation. Essai BRIM3 N Engl J Med 2011; 364: 2507?16.
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