Marion Downs, l’audiologiste qui militait pour le dépistage systématique de la surdité chez l’enfant et l’appareillage des nourrissons, écrivait encore en 1978 que les ORL n’étaient pas concernés par la surdité unilatérale (SU) de l’enfant, qui n’était pas un handicap… Elle est revenue sur ses positions en 2007, sonnant l’alarme dans un éditorial : « La perte auditive unilatérale chez l’enfant : un appel aux armes ». Il est en effet maintenant évident qu’une surdité unilatérale provoque une réorganisation des voies auditives centrales, et retentit sur le développement du langage, de la cognition, perturbe la scolarité et le comportement.
Peu d’études ont été menées avec des IRM fonctionnelles chez l’enfant, et elles concernent toutes les plus de 7 ans. Elles montrent des différences structurelles au niveau des diverses régions auditives entre les enfants atteints de SU et les normo-entendants. Il y a à l’évidence des modifications du fonctionnement cérébral, avec très probablement dans la SU des mécanismes compensatoires activant des aires cérébrales normalement non utilisées, ce qui pourrait être favorable, mais aussi provoquer le développement de réseaux aberrants.
Un handicap qui persiste après l’enfance
En ce qui concerne le langage, de grandes séries cas-contrôles comparant des enfants atteints de SU à leurs frères et sœurs montrent une différence significative dans toutes les composantes du langage entre les deux groupes. Alors que les QI sont identiques, les premiers nécessitent plus de recours à l’orthophonie (2,6 fois) et à un auxiliaire de vie scolaire (4,4 fois) entre 6 et 12 ans. Et le plus inquiétant est que la différence ne se comble pas avec le temps : ils ont toujours de moins bons scores langagiers en grandissant.
Au niveau scolaire, leur taux de redoublement est de 24 à 35 %, versus 3 %. Ces enfants sont de plus souvent considérés comme cognitivement lents, non intelligents, distraits, inadaptés, ou au contraire agressifs, du fait de leurs difficultés à localiser la parole et à la percevoir dans un milieu bruyant. Et d’authentiques troubles du comportement concerneraient 20 % d’entre eux, versus 4,4 %.
« Il est indispensable que la SU soit diagnostiquée rapidement, avec une prise en charge et une évaluation de son retentissement précoces », insiste le Dr Stéphane Roman de l’hôpital de la Timone à Marseille. Le développement du langage doit faire l’objet d’un suivi orthophonique régulier, et les OMA et OSM doivent être surveillées afin de ne pas aggraver la surdité. Une attention toute particulière sera accordée aux enfants cumulant les facteurs de risque, surdité unilatérale sévère, prématurité, baisse du QI, facteurs socio-économiques défavorables. L’appareillage systématique reste discuté, et la décision d’une approche spécifique est adaptée au cas par cas.
Communication du Dr Stéphane Roman, hôpital de la Timone (Marseille)
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