Comment dépister et traiter une scoliose ?

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Publié le 27/03/2025
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La scoliose de l’enfant se développe progressivement et s’accélère pendant la puberté, une période clé pour la traiter et prévenir l’apparition d’une forme invalidante à l’âge adulte.

Le recours à la chirurgie, nécessaire pour les déformations importantes du secteur thoracique, reste rare

Le recours à la chirurgie, nécessaire pour les déformations importantes du secteur thoracique, reste rare
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Déformation de la colonne vertébrale dans chacun des trois plans de l’espace (frontal, sagittal, transversal), la scoliose est liée à une rotation des vertèbres. Elle toucherait environ 3 % des enfants âgés de 10 à 16 ans, principalement les filles.

Elle est à distinguer de l’attitude scoliotique, beaucoup plus fréquente : il existe alors une déviation de la colonne vertébrale qui est réductible, contrairement à la scoliose. La déformation de l’attitude scoliotique est causée par une mauvaise position, qui peut avoir différentes origines : une inégalité de longueur des membres inférieurs, une pathologie du bassin ou une attitude antalgique.

Quant à la scoliose, dans 80 % des cas, elle est idiopathique. Lorsqu’elle est secondaire, elle peut avoir de nombreuses origines : pathologie génétique ou malformative, maladie neuromusculaire, etc. « Chez l’enfant, une scoliose raide et/ou douloureuse n’est pas idiopathique. Elle nécessite des investigations poussées. Elle peut être due à une infection (à un germe banal ou au BK) ou encore à une tumeur osseuse ou intracanalaire », prévient la Dr Alexandra Alves (Paris).

Rechercher la gibbosité

La scoliose peut passer inaperçue pendant plusieurs années car elle est asymptomatique : si on ne la cherche pas, on peut passer à côté… Son dépistage doit donc être systématique. La gibbosité est le signe spécifique à rechercher. Il correspond à l’apparition d’une bosse lorsque le patient debout se penche en avant. Une radiographie de face et de profil debout permet de confirmer le diagnostic de scoliose.

« Le système EOS fournit une reconstruction en 3D de la colonne vertébrale. C’est le meilleur examen pour effectuer le suivi car il permet un calcul fiable de l’angle de Cobb (angle formé par les vertèbres supérieures et inférieures de la scoliose). De plus, la dose de rayonnements ionisants est extrêmement faible (8 à 10 fois moins que pour la radiologie bidimensionnelle). On obtient des radiographies du rachis et des membres inférieurs, de face et de profil en une seule acquisition », explique la Dr Alves.

Surveillance de l’évolution

Une scoliose présente dès l’enfance (infantile ou juvénile) évoluera vers une déformation plus sévère que celle qui apparaît à l’adolescence. Le risque évolutif persiste tant que la croissance pubertaire n’est pas achevée. Ainsi, une surveillance doit être faite tous les six mois en période prépubertaire et à la puberté. Il existe une stabilisation lorsque la maturité osseuse est atteinte.

Le test de Risser (bilan radiologique du bassin) est réalisé pour évaluer l’état de maturation du squelette de l’adolescent en cas de scoliose. Il permet de déterminer, en association avec d’autres mesures, le pronostic d’évolutivité d’une scoliose idiopathique et aide à définir la prise en charge.

La rééducation ne ralentit pas l’évolution mais a de nombreuses vertus

Une rééducation fonctionnelle est souvent prescrite. Elle a plusieurs objectifs : renforcer les muscles paravertébraux et la sangle abdominale, assouplir le rachis et conserver une fonction ventilatoire optimale. Mais elle n’a aucun effet sur l’évolutivité. Elle vise également à éduquer les patients sur les règles d’hygiène et d’économie du rachis, ainsi qu’à favoriser la bonne observance du traitement orthopédique. Il est indispensable d’encourager les enfants à conserver une activité physique régulière, sans restriction.

Les différents corsets

Le traitement orthopédique a pour objectif de stopper l’aggravation de la déformation pendant la croissance et d’éviter la chirurgie. Il permet de lutter contre la déformation des vertèbres et les rétractions asymétriques discales. Il est prescrit en cas de scoliose évolutive, avec un angle de Cobb frontal > 20° et un potentiel de croissance restant.

« Selon la Scoliosis Research Society (SRS), le succès du traitement orthopédique est défini par une aggravation de l’angle de Cobb frontal de moins de 5 % à la fin de la maturation squelettique », indique la Dr Clélia Thouement (hôpital Armand-Trousseau, AP-HP).

Il existe de nombreux dispositifs pour traiter la scoliose idiopathique évolutive lombaire, thoraco-lombaire ou thoracique :

• le plâtre élongation-dérotation-flexion (EDF) est un plâtre thoraco-lombaire sur mesure, indiqué en cas de scoliose juvénile avec un angle de Cobb déjà important. Il permet une correction de la déformation rachidienne dans les trois plans de l’espace ;

• le corset dit « classique » est le CTM (Chêneau-Toulouse-Munster), porté 20 h/24 h (le corset est enlevé pendant le sport) ;

• le corset de Caen (pour « concept d’appuis électifs nocturne ») est un corset dit « moderne », en hypercorrection, conçu exclusivement pour un port nocturne. Il est adapté aux doubles courbures.

Les corsets sont réalisés sur mesure et ont pour but de limiter l’évolution des déformations en attendant la fin de la maturation osseuse. « La coopération entre clinicien et orthoprothésiste est essentielle afin de favoriser l’observance. Le port du corset peut entraîner des troubles psychologiques, de la digestion (il faut fractionner les repas et manger lentement) ainsi que des paresthésies aux zones d’appui, ou une bursite », prévient la Dr Thouement.

Le port du corset sera arrêté à la fin de la croissance rachidienne et en présence de l’association de trois critères cliniques et radiographiques : taille assise stable à six mois d’intervalle, premières règles datant de plus de deux ans et signe de Risser > 4.

Place du traitement chirurgical

Le recours à la chirurgie (arthrodèse vertébrale) reste rare. Il s’agit d’une chirurgie lourde avec un risque neurologique (autour de 1 %) et infectieux (autour de 10 %). Elle est nécessaire pour les déformations importantes du secteur thoracique. Elle vise à limiter le retentissement respiratoire et la dégradation arthrosique du secteur lombaire à l’âge adulte.

L’opération de la scoliose est décidée en fonction de différents paramètres (cela ne se résume pas à l’angle de Cobb) : sa localisation, son importance dans tous les plans (45° pour la scoliose thoracique, 35° pour la scoliose lombaire et thoraco-lombaire), son étiologie et son évolutivité.

Il existe deux grands types de traitements chirurgicaux. Si le développement pulmonaire est inachevé (cartilages en Y ouverts), des dispositifs de croissance (montage bipolaire avec allongement progressif sur deux tiges) seront mis en place, afin d’éviter la poursuite de l’aggravation de la scoliose en permettant la croissance du tronc.

En revanche, lorsque le développement pulmonaire est achevé, une chirurgie de correction-fusion ou arthrodèse vertébrale postérieure est pratiquée afin d’épargner le plus d’étages possibles en bas du montage, préserver la mobilité et éviter la dégradation à l’âge adulte.

Une autre approche consiste en une chirurgie mini-invasive, réalisée sous thoracoscopie, la vertebral body tethering (VBT) ou modulation de croissance. Le principe consiste à bloquer la croissance au niveau de la convexité de la courbure. Cette opération est indiquée en cas de déformations avec une angulation faible à modérée.

Après la chirurgie, la reprise de l’école pourra se faire au bout d’un mois et la reprise d’un sport doux à trois ou quatre mois. Après un an, tous les sports sont autorisés.

Session « Chirurgie orthopédique, scoliose de l’enfant et de l’adolescent »


Source : Le Quotidien du Médecin