La loi de santé laisse les médecins libéraux sceptiques mais ouvre beaucoup d’espoirs aux patients

Publié le 19/06/2014

S’ils se sont majoritairement exprimés contre la généralisation du tiers payant attendue en 2017, les syndicats de médecins libéraux ont également émis des réserves sur les orientations du projet de loi santé présentées ce jeudi par Marisol Touraine.

MG France est peut-être le plus mesuré. Le syndicat de généralistes salue des « avancées », et plus particulièrement l’instauration du médecin traitant de l’enfant (généraliste ou pédiatre) ou le numéro d’appel unique pour la permanence des soins ambulatoires dans chaque département. Il regrette cependant « l’absence de moyens » pour amorcer la « révolution du premier recours » voulue par le gouvernement.

Montagne ou souris ?

Pour le Syndicat des médecins libéraux, « la montagne a accouché d’une souris », car les grandes lignes de la loi n’apportent « aucune solution concrète aux maux qui affecte le système de santé ». Le syndicat déplore que le texte privilégie « l’hospitalocentrisme » et souligne l’absence de mesure spécifique à la prise en charge pluriprofessionnelle des patients.

« Encore une réforme ratée », s’emporte la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Hormis l’introduction de la prévention dans la politique de santé, le syndicat regrette que le gouvernement n’ait pas enclenché la réforme hospitalière. « Seule une restructuration profonde du système hospitalier peut permettre le retour d’un équilibre de ce secteur qui, pour l’instant, reste empêtré dans les déficits », affirme le syndicat.

La branche généraliste de la Confédération (UNOF-CSMF) voit dans la loi santé « l’épisode 2 de la loi HPST ». Il y retrouve tous les « ingrédients de la loi Bachelot qui avaient amené les médecins libéraux à se mobiliser : l’étatisation et la bureaucratisation ».

Une mesure inquiète spécifiquement les spécialistes des plateaux techniques du BLOC : le développement de la chirurgie ambulatoire qui aura selon eux des répercussions sur la responsabilité médicale des chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes. Cette évolution ouvre selon eux « une brèche dans le droit médical relatif aux obligations de soins attentifs post-opératoires ».

Avant même la présentation des orientations du projet de loi, la Fédération des médecins de France s’était montrée très critique, dénonçant « une énième concertation jusqu’en 2015 autour du projet de loi santé ». « Il faut arrêter de gagner du temps et agir vite et fort », affirmait son président le Dr Jean-Paul Hamon.

L'Union française pour une médecine libre n'est pas plus tendre avec le projet du ministère de la Santé. Dans une vidéo publiée en ligne, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, prend pour cible principale la généralisation du tiers payant et dénonce une tentative d'« enfumage » de Marisol Touraine

L’inquiétude des cliniques

Le collectif soins coordonnés, association qui fédère des représentants de 14 professions de santé, estime pour sa part que le projet de loi s’apparente à un « catalogue de mesures sans stratégie » : « La réduction des déficits attendra d’autres propositions. »

La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) s’interroge sur la place qui sera dévolue aux cliniques à l’avenir dans le système de santé et demande une « concertation réelle et sérieuse autour des mesures contenues dans le projet de loi de santé ». Les hôpitaux privés s’inquiètent tout particulièrement d’une « atteinte au libre choix des patients de leurs établissements de santé et médecins ».

Les usagers reconnus mais en attente de moyens

Le milieu associatif a accueilli plus favorablement l’annonce d’une meilleure représentation des usagers dans le système de santé, l’ouverture prochaine d’actions de groupe pour réunir en une seule et même procédure plusieurs demandes de réparation des patients, mais aussi l’important volet consacré à la prévention et à l’éducation thérapeutique.

Le collectif interassociatif sur la santé (CISS) espère que les bonnes intentions ministérielles se traduiront dans les faits. « Depuis la loi fondatrice du 4 mars 2002, les organisations d’usagers se sont trouvées, trop souvent, reléguées au rang de faire-valoir. » Le collectif met toutefois en garde : « Attention, si aucun fonds dédié ne vient appuyer ce rôle renforcé, ce sera toujours une démocratie sanitaire de pacotille. »

Aides salue la création des centres d’information et d’accompagnement en santé, « occasion historique de développer une offre en santé sexuelle adaptée aux populations les plus vulnérables au VIH, aux IST et aux hépatites ».

La Ligue contre le cancer applaudit le parcours éducatif en santé dès le plus jeune âge ou la mise en place d’un logo sur les produits alimentaires industriels prouvant leur qualité nutritionnelle. Mais l’association s’interroge sur l’absence totale d’annonces sur le programme national de réduction du tabagisme ou de la lutte contre l’alcool. « Les lobbys alcooliers ont-ils eu plus de poids que la santé publique ? », attaque la Ligue.

Christophe Gattuso

Source : lequotidiendumedecin.fr
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