À Lille, face aux cadres excédés de la CSMF, Touraine s’explique sans convaincre

Publié le 19/09/2014
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Crédit photo : Cocktailsanté

Il n’y a pas eu de « standing ovation », à peine quelques applaudissements courtois... À Lille, les quelque 200 cadres de la CSMF, réunis tout le week-end pour la 20e Université d’été du premier syndicat médical, ont réservé un accueil très frais à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui s’est pourtant employée longuement à déminer le terrain dans un climat de plus en plus tendu entre la profession et le gouvernement.

La loi de santé est dans tous les esprits de la « famille » confédérale, et nourrit l’inquiétude, voire la colère. « On a subi les ordonnances Juppé, la loi Bachelot et maintenant on nous balance la réforme Touraine, confie un responsable départemental. Les médecins sont exaspérés du sort qui leur est réservé car c’est leur liberté qui est menacée. »

Le message politique de la CSMF a été transmis sans ambiguïté : la profession bouillonne. « La tension est en train de monter », a averti le Dr Jean-Paul Ortiz, nouveau président de la Confédération, successeur de Michel Chassang auquel il a rendu hommage.

Dr Ortiz : « Les médecins refusent d’être sacrifiés. »

Face à Marisol Touraine, vendredi soir, le réquisitoire du leader confédéral a été implacable. Les médecins ont le sentiment de ne « pas être entendus, de ne pas être reconnus », ils refusent d’être « sacrifiés ». Les spécialistes libéraux en particulier, « mentionnés nulle part », ont l’impression qu’ils vont rester « sur le banc de touche ».

La future loi de santé est perçue comme un « modèle d’étatisation, hospitalocentré », qui placera les libéraux sous la coupe des ARS, et risque de « démanteler » la convention médicale nationale. Le service territorial de santé au public ? Il constitue pour la CSMF une épée de Damoclès sur la liberté d’installation et la permanence des soins. Même « incompréhension » face à l’interdiction du secteur II dans les cliniques qui voudront prétendre au service public hospitalier...

D’autres griefs lourds ont été exprimés comme le transfert de tâches médicales à des professionnels « non-médecins », ou la légalisation du testing contre les refus de soins. Quant à la formation médicale continue (devenue DPC), sa énième réforme annoncée se présente très mal. « Les médecins en ont assez d’être spoliés, l’État ne peut rendre le DPC obligatoire et se dédouaner de son financement », a tonné le Dr Ortiz sous les applaudissements de la salle.

Il y a enfin, surtout, les grosses épines du tiers payant généralisé obligatoire, dont la CSMF ne veut à aucun prix, et la question du contrat d’accès aux soins (CAS), au milieu du gué, faute d’engagement financier des mutuelles. « Imposez la prise en charge des dépassements maîtrisés des médecins signataires par toutes les complémentaires, et pas seulement celles qui en ont envie ! », a lancé le Dr Ortiz à Marisol Touraine.

Dans ces conditions, pas question pour la CSMF d’accompagner cette réforme, qui ne rendra service « ni au pays, ni aux patients ».

Soucieux de ne pas fermer toutes les portes, le président de la CSMF s’est dit prêt à travailler sur un projet qui s’appuierait sur la médecine de ville, encouragerait l’initiative libérale et reconnaîtrait l’acte médical « à sa juste valeur ». « Quel service coûte 23 euros ? Lequel ? Pas même une coupe de cheveux ! », s’est agacé le Dr Ortiz, évoquant une réalité qui « humilie » les médecins libéraux.

Bercy, c’est pire

Dans ce climat frondeur, Marisol Touraine a donné quelques gages aux médecins, se présentant parfois comme leur bouclier protecteur face aux assauts de Bercy ou de la Cour des comptes. « Les temps sont durs, a-t-elle expliqué. Nous sommes obligés de transformer notre système de santé et nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’échanger des contrevérités. »

La ministre de la Santé s’est défendue de vouloir étatiser, bien au contraire. « L’épine dorsale de mon projet, c’est la médecine de proximité », a-t-elle martelé, citant les généralistes et les spécialistes. Le service territorial de santé ? Les médecins seront libres d’y participer. La liberté d’installation ? « Je n’ai jamais défendu la coercition. » Pas question non plus de remettre en cause le rôle des cliniques à la faveur du service public hospitalier.

La convention nationale, elle, sera préservée et, jure la ministre, « il n’y aura pas de second round de négociation au niveau régional ».

Sur le tiers payant, les médecins ne seront pas transformés en « percepteurs de franchises », les risques de trésorerie ou de charge administrative seront « totalement maîtrisés ». Et pour déminer le dossier des refus de soins, Marisol Touraine confie une mission au Dr Bouet, président de l’Ordre national...

Si certaines formules de la ministre ont fait mouche (« les médecins ne sont pas rentiers », le financement de la FMC des médecins libéraux « doit revenir aux médecins libéraux »), il en faudra beaucoup plus pour rétablir une confiance qui semble irrémédiablement entamée.

Cyrille Dupuis

Source : lequotidiendumedecin.fr
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