La présentation en session plénière des données de l’étude européenne de phase 3 Nivopostop a marqué un des moments phares du congrès de l’Asco (1). Elle montre que l’addition de nivolumab, un anti-PD-1, à la radio-chimiothérapie améliore significativement la survie sans récidive après chirurgie dans les carcinomes ORL épidermoïdes de la bouche, du larynx et du pharynx localement avancés, soit avec déjà une atteinte ganglionnaire.
Les 332 patients du bras nivolumab ont reçu ce médicament avant (une injection), pendant la radio-chimiothérapie (trois cycles de 66 grays + cisplatine + nivolumab), puis après celle-ci (six injections de l’anti-PD-1 toutes les 4 semaines). Après 30,3 mois de suivi, ils ont présenté un taux de survie sans récidive supérieur de 24 % à celui des 334 patients traités par radio-chimiothérapie seule : 63,1 % de survie contre 52,5 %. L’addition de nivolumab a certes augmenté le pourcentage d’effets indésirables de grade 4, le plus souvent des neutropénies et lymphopénies : 13,1 % contre 5,6 %. « Mais cette toxicité ajoutée est faible ou modérée », considère le Pr Jean Bourhis (CHU de Lausanne), coordinateur international de l’étude. On attend encore les données de survie globale. Mais l’association immunothérapie + radio-chimiothérapie adjuvante pourrait devenir un nouveau standard dans ces tumeurs à très haut risque de rechute.
L’addition de nivolumab à la radio-chimiothérapie adjuvante pourrait devenir un nouveau standard dans les carcinomes ORL avancés
Le cancer gastrique aussi…
L’étude internationale Matterhorn, présentée par la Pr Yelena Janjigian (Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New York) plaide également pour l’emploi d’une immunothérapie, cette fois-ci à base de durvalumab, un anti-PD-L1, en situation péri-opératoire et en complément de la chimiothérapie, dans le cancer de l’estomac ou de la jonction gastro-œsophagienne résécable (2).
Actuellement, le traitement péri-opératoire le plus courant dans les pays occidentaux repose sur une chimiothérapie Flot, pré- et postopératoire, à base de 5-fluoro-uracile (5-FU), leucovorine, oxaliplatine et docétaxel. Cependant, dans l’essai Matterhorn, conduit chez 948 patients avec des cancers gastriques ou de la jonction gastro-œsophagienne de stade 2, 3 ou 4A, l’addition de durvalumab s’est traduite par une augmentation de la survie sans récidive de 29 %, en comparaison du placebo : 67,4 % contre 58,5 % à 24 mois. Le taux médian de survie globale a été de 47,2 mois dans le groupe placebo, alors qu’il n’était pas encore atteint dans le groupe durvalumab lors de la présentation de l’étude. L’immunothérapie par le durvalumab a pu induire des diarrhées, nausées et neutropénies. Mais elle n’a pas retardé le temps de chirurgie et, au total, le taux d’effets indésirables de grades 3 et 4 était comparable dans les deux bras.
Là aussi, l’arrivée de cette immunothérapie en première ligne pourrait constituer un progrès important car ces cancers, même s’ils sont opérables, sont de mauvais pronostic et représentent la 5e cause de mortalité par cancer dans le monde.
… et certains cancers coliques
Dix à 15 % des cancers du côlon de stade 3 (extension ganglionnaire) s’accompagnent d’anomalies de réparation de l’ADN, qui les rendent plus immunogènes mais aussi globalement plus résistants à la chimiothérapie. Il était donc pertinent de tester dans ces tumeurs (qu’elles soient sporadiques ou associées à un syndrome de Lynch) l’utilisation de l’immunothérapie en complément du traitement usuel de ces tumeurs, lequel repose actuellement sur la chirurgie puis la chimiothérapie.
C’est ce qu’a réalisé l’essai américain Atomic (3) en comparant, chez 712 patients opérés d’un adénocarcinome colique de stade 3, effets de l’atézolizumab, un anti-PD-L1, et d’un placebo en complément d’une chimiothérapie de type Folfox (5-FU, leucovorine, oxaliplatine). « Après trois ans de suivi, le taux de récidive ou décès a été réduit de près de moitié (86,4 % de patients sans cancer, contre 76,6 %) dans le bras sous atézolizumab, et ce, dans tous les sous-groupes analysés (malades de plus ou de moins de 70 ans, faible ou haut risque de rechute) », se félicite le Pr Franck Sinicrope (Mayo Clinic, Rochester). Le pourcentage d’effets indésirables de grades 3 et 4 était plus élevé dans le bras comportant l’immunothérapie (71,7 % contre 62,1 %) mais compatible avec le profil de toxicité de l’atézolizumab.
Confirmation à cinq ans dans le cancer bronchique
Les résultats à cinq ans de l’étude Checkmate 816, qui avait été publiée en 2022 (4), ont aussi confirmé la supériorité de l’immunochimiothérapie néoadjuvante comportant du nivolumab sur la seule chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer bronchique résécable non à petites cellules, de stade 1B (≥ 4 cm) à 3A. « À cinq ans (5), le taux de survie a été significativement amélioré chez les patients ayant reçu trois cycles d’immunochimiothérapie, en comparaison de ceux seulement traités par chimiothérapie : 65 % contre 55 % (p = 0,05) », rapporte le Pr Patrick Forde (Trinity College, Dublin). L’analyse sur sous-groupes a de surcroît attesté de la supériorité de l’immunochimiothérapie quels que soient le stade du cancer (1B à 3A), l’histologie (épidermoïde ou non) et le niveau d’expression de PD-L1 (moins ou plus de 1 %), même si le gain de survie était plus net chez les patients exprimant fortement PD-L1. Une étude complémentaire a mis en évidence une réduction du risque de mortalité à cinq ans particulièrement importante (plus de 90 %) chez les patients sans ADN tumoral circulant sous immunochimiothérapie.
(1) J. Bourhis, et al. Asco 25, Abs. LBA2
(2) Y.Y. Janjigian, et al. Asco 25, Abs. LBA5
(3) F. Sinicrope, et al. Asco 25, Abs. LBA1
(4) P. Forde, et al. N Engl J Med, 2022;386:1973-85
(5) P. Forde, et al. Asco 25, Abs. LBA8000
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