Troubles vésico-sphinctériens à la phase aiguë de l’AVC

Un facteur pronostique indépendant

Publié le 14/05/2012
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Les troubles vésico-sphinctériens sont très fréquents à la phase aiguë de l’accident vasculaire cérébral (AVC). Leur présence est significativement corrélée à une forme sévère (coma, aphasie, troubles de la déglutition, déficit neurologique important) et ils constituent un facteur pronostique indépendant : la mortalité à la phase aiguë est de 60 % en cas d’incontinence totale, de 25 % si l’incontinence est partielle et de 7 % si la continence est totale. A moyen et long terme, les risques de décès et d’institutionnalisation sont de 5 à 16 % chez les sujets continents et de 20 à 45 % en cas d’incontinence urinaire. En revanche, le risque de décès à deux mois est identique à celui des patients sans troubles urinaires initiaux si la récupération de la continence urinaire est rapide, dès la fin de la première semaine après l’AVC.

Les troubles vésico-sphinctériens tendent à se normaliser spontanément avec le temps. Leur prévalence, selon différentes études, passe de 40 % au deuxième jour après l’AVC à 10 % à 2 ans. Leur persistance est un facteur altérant la qualité de vie des patients et des aidants, indépendamment du handicap neurologique résiduel. Si l’incontinence urinaire domine, en particulier à la phase aiguë, d’autres symptômes sont retrouvés, touchant préférentiellement la phase de remplissage vésicale : pollakiurie, nycturie, urgenturie.

S’assurer de la qualité de la vidange.

Il est important de privilégier une prise en charge précoce la plus simple possible, en tenant compte des facteurs uro-gynécologiques associés, tels qu’un trouble de la statique pelvienne, une hypertrophie bénigne de la prostate, des facteurs iatrogènes et des interactions médicamenteuses. Le bilan initial est donc essentiel : antécédents, symptomatologie, tenue d’un calendrier mictionnel sur trois jours (très utile pour différencier polyurie et nycturie), mesure du résidu post-mictionnel (Bladderscan), recherche d’une pathologie obstructive et de facteurs de risque de rétention (neuropathie diabétique ou alcoolique, fécalome…).

A la phase aiguë, la priorité est de s’assurer de la qualité de la vidange vésicale et de ne pas laisser évoluer une éventuelle rétention urinaire, laquelle est favorisée par les troubles de la conscience ou de la communication et les apports hydriques importants.

Au moindre doute, la vidange vésicale doit être réalisée par hétérosondages intermittents. Une sonde à demeure peut être posée pour quelques jours, parfois dès l’admission en cas de limitation patente des capacités de mictions complètes spontanées.

Préciser les mécanismes en cas de persistance.

La reprise de la vidange doit être étroitement surveillée, la sonde devant être retirée après deux ou trois jours. La persistance des troubles implique de préciser les mécanismes en cause, neurogènes et non, afin de proposer une prise en charge thérapeutique adaptée.

Après avoir dépisté une cause locale (infection, fécalome), l’hyperactivité vésicale peut être traitée par anticholinergiques. Elle peut également bénéficier d’un traitement par desmopressine, estrogènes locaux ou encore d’une neurostimulation transcutanée tibiale postérieure. Cette approche, atraumatique et ayant peu de contre-indications (parmi lesquelles le pacemaker), a fait la preuve de son efficacité. Elle peut être effectuée à domicile à raison d’une séance quotidienne de 20 minutes pendant trois mois.

En cas de dysurie, après avoir recherché une cause favorisante, les alphabloquants, si possible hypersélectifs, et la neurostimulation tibiale postérieure peuvent être proposés en présence d’une hypertonie urétrale. En revanche, en cas d’hypocontractilité du détrusor, il n’y a pas de traitement médicamenteux. Il faut alors adapter le mode mictionnel et mettre en place des autosondages intermittents dès que possible.

D’après les communications des Prs et Drs Véronique Phe (Paris), Romain Caremel (Rouen), Maria Carmélita Scheiber-Nogueira (Lyon), Marianne de Sèze (Bordeaux), et Gilles Karsenty (Marseille), lors de la session « Les troubles vésico-sphinctériens dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux ».


Source : Le Quotidien du Médecin: 9125