La surinterprétation de tracés électro-encéphalographiques (EEG) normaux est un problème fréquent en neurologie et certains patients se voient ainsi prescrire inutilement un, voire plusieurs antiépileptiques. Or, comme l’a souligné le Dr Selim Benbadis, les conséquences des diagnostics d’épilepsie par excès sont souvent plus importantes que celles d’un retard au diagnostic.
L’EEG est souvent demandé pour affirmer ou infirmer le diagnostic d’épilepsie, alors que ce dernier repose surtout sur les données de la clinique. Selon des études nord-américaines, le diagnostic d’épilepsie ne peut pas être formellement établi chez de 20 à 40 % des patients adressés dans un service spécialisé pour un enregistrement vidéo-EEG de longue durée.
Et de nombreuses activités enregistrées sur l’EEG peuvent être mal interprétées. C’est le cas des rythmes et figures physiologiques comme les rythmes alpha, mu, bêta et lambda en veille ou les pointes-vertex et les complexes K lors du sommeil. De nombreux artéfacts peuvent aussi être en cause, liés aux mouvements du patient ou à l’appareillage.
L’une des erreurs les plus fréquentes est la surinterprétation des activités pointues, notamment en zone temporale. De telles activités sont observées en dehors de toute pathologie chez plus d’un tiers des adultes en état de veille et dans 60 % des cas pendant la somnolence.
Les activités pointues non pathologiques sont favorisées par les modifications de la vigilance, et surviennent volontiers lorsque le patient somnole un peu au cours de l’enregistrement EEG. Lors de l’interprétation du tracé, il importe donc de rechercher si une activité physiologique peut être à l’origine d’une figure pointue avant d’évoquer un paroxysme épileptiforme. « Très souvent, ces activités pointues ne répondent pas à la définition de paroxysmes, qui sont “des grapho-éléments qui se détachent très nettement de l’activité de fond avec une amplitude au moins double de celle-ci, à début et à fin brusque, le maximum d’amplitude étant atteint très rapidement” », a insisté le Dr Benbadis, avant de rappeler quelques critères de décharge significative : contour asymétrique, diphasique ou triphasique, perturbant l’activité de fond et ne venant pas de cette activité. Dans le doute, l’EEG doit être interprété comme normal.
Le renversement de phase est également un phénomène souvent mal interprété, alors que ce critère a une valeur uniquement localisatrice et ne préjuge pas du caractère pathologique ou non d’une activité.
Excès d’EEG demandés en urgence.
Une autre problématique est celle de l’EEG demandé en urgence, dont l’indication n’est souvent pas justifiée. Notamment, il n’est pas indiqué à l’issue d’une crise chez un patient épileptique connu. Il ne doit pas non plus être demandé en urgence chez un sujet en état de mal convulsif, car cela risquerait de retarder l’administration du traitement qui, lui, est une urgence. Il n’est pas obligatoire pour déterminer la mort encéphalique et n’a pas non plus de place pour décider du retour à domicile d’un patient. Face à un patient en coma inexpliqué, il doit être discuté en sachant que d’autres étiologies, telles qu’une encéphalopathie métabolique ou toxique, doivent être recherchées et traitées en priorité.
Il est en revanche indiqué en cas de forte suspicion d’un état de mal non convulsif, qu’il survienne de novo, dans le cadre d’une épilepsie préexistante ou suite à un état de mal convulsif.
Ainsi, si l’EEG est un examen très utile voire irremplaçable dans certains cas, ses indications et ses limites doivent être connues. Il ne faut en particulier pas oublier qu’en matière de diagnostic d’épilepsie, c’est l’histoire clinique qui joue un rôle majeur.
D’après la communication du Dr Selim Benbadis (Tampa, Etats-Unis), lors de la session « Problème diagnostiques en épileptologie ».
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