Migraine chronique

Un concept qui évolue

Publié le 14/05/2012
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Crédit photo : S TOUBON

La migraine chronique est une entité décrite il y a plus de 100 ans, puis reconnue sous diverses appellations, notamment de migraine transformée, depuis une trentaine d’années. Mais ce n’est que récemment, en 2004, qu’elle a été individualisée dans la classification internationale des céphalées (ICHD-II). Les critères proposés en 2004 ont été critiqués sur plusieurs points, ce qui a conduit à leur révision en 2006. La migraine chronique est ainsi individualisée comme :

- une céphalée chronique quotidienne (présente au moins 15 jours par mois depuis plus de trois mois) ;

- survenant chez un patient ayant au préalable une céphalée épisodique ;

- et ayant au moins 8 jours par mois, depuis au moins trois mois, une céphalée présentant des caractéristiques migraineuses répondant aux critères diagnostiques de la migraine sans aura : au moins deux des quatre critères suivants – unilatéralité, pulsatilité, intensité modérée à sévère, aggravation par les activités physiques – et associée à au moins un des deux groupes de symptômes suivants – photophobie et phonophobie ou nausées et/ou vomissements – ; ou étant parfaitement contrôlée par un triptan ou de l’ergotamine ;

- et ce après élimination d’une autre cause, notamment un abus médicamenteux.

« Ces critères devraient encore évoluer et la migraine chronique devrait sortir des complications de la migraine pour en redevenir une forme clinique. En pratique quotidienne, la majorité des patients ayant des céphalées chroniques sont en abus médicamenteux, donc avant de poser le diagnostic de migraine chronique authentique, un sevrage est nécessaire », précise le Dr Michel Lanteri-Minet (Nice).

Dans une étude menée sur 327 patients présentant une probable céphalée chronique par abus médicamenteux, le sevrage (deux mois) a été possible dans deux-tiers des cas. A l’issue du sevrage, la céphalée chronique quotidienne avait disparu chez 45 % des patients. Dans les autres cas (55 %), elle s’était soit maintenue, soit aggravée : ces patients présentaient donc une authentique migraine chronique avec abus médicamenteux secondaire.

La prévalence de la migraine chronique est estimée entre 1,4 et 2,2 % de la population migraineuse et l’incidence annuelle de sa rémission spontanée est de 26 %, ce qui implique de bien réfléchir à la place des techniques thérapeutiques, relativement invasives. Il semble que le sexe féminin et l’origine caucasienne soient des facteurs de risque de développer une migraine chronique. Une fréquence élevée des crises au départ, une comorbidité avec la dépression, une surconsommation de médicaments de la crise mais aussi des facteurs hormonaux ont été identifiés comme favorisant la chronicisation de la migraine.

« Sa physiopathologie reste mal connue, mais lors de l’étude des potentiels évoqués corticaux, la migraine chronique se caractérise par un profil évoquant une “crise de migraine sans fin” », expose le Pr Jean Schoenen (Belgique). Les travaux ont globalement mis en évidence une sensibilisation centrale avec défaillance du contrôle endogène de la douleur et modification de la réactivité corticale.

Cinq axes.

La prise en charge de la migraine chronique est complexe et se fonde sur cinq grands axes : identifier et réduire les facteurs aggravants ; établir des limites pour le traitement aigu (< 10 jours par mois) et préventif ; proposer un traitement non médicamenteux ; mettre en place un nouveau plan de traitement ; faire prendre conscience au patient de ses troubles psychiatriques, de ses comorbidités et de ses perturbations comportementales éventuels et les traiter.

« Les objectifs doivent être réalistes : une réduction de moitié de la fréquence des crises, une diminution de leur durée, c’est déjà bien », insiste le Dr Dominique Valade, avant de souligner les bénéfices des thérapies comportementales (relaxation associée ou non à un biofeedback thermique, thérapie comportementale et cognitive…). Les études ont montré que même en l’absence de réduction de la fréquence des céphalées, elles permettent de diminuer la sévérité des crises et la gêne fonctionnelle qui en découle et d’améliorer la qualité de vie et l’efficacité des médicaments.

D’après les communications des Prs Michel Lanteri-Minet (CHU de Nice), Jean Schoenen (CHR de Liège, Belgique) et Dominique Valade (hôpital Lariboisière, Paris), lors de la session « Migraine chronique ».


Source : Le Quotidien du Médecin: 9125