La santé des médecins

Un médecin américain condamné à la prison à vie pour fautes médicales

Publié le 20/03/2017
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Christopher Duntsch

Christopher Duntsch
Crédit photo : FOXNEWS

Le 20 février 2017, le Dr Christopher Duntsch, un neurochirurgien de Dallas (États-Unis) de 45 ans a été condamné à la prison à vie pour une faute médicale sur une patiente, Mary Efurd, qui est restée paralysée après une opération de la colonne vertébrale. Une peine disproportionnée ? Non, une sanction largement méritée pour un médecin qui, dans sa carrière de médecin senior, a opéré 39 patients (49 interventions au total) dont 24 n’ont tiré aucun bénéfice de l’intervention, 21 ont souffert de douleurs chroniques post-opératoires, 4 sont restés paralysés et 2 sont morts.

Cette condamnation n’a été possible que grâce à l’obstination d’un patient et d’un médecin qui ont mené une enquête sur le Dr Duntsch : Lee Passmore et le Dr Robert Henderson. Le premier avait été opéré par le neurochirurgien et souffrait de douleurs post-opératoires. Le second avait « repris » une patiente après une intervention qu’il a qualifiée de geste « d’un interne de première année non supervisé par un senior ».

Pour arriver à mettre en cause le neurochirurgien, ils ont dû lutter pendant plus de 5 ans. La plupart des autres victimes d’erreurs médicales avaient en effet fait le choix d'un arrangement financier à l’amiable avec l’hôpital, renonçant à tout procès.

Un spécialiste en demande de crédits de recherche

Christopher Duntsch, fils d'un kinésithérapeute du Montana, a fait ses études de médecine à Memphis. Pour cette époque, son CV mêle des faits avérés – l’obtention de son doctorat de médecine, sa participation à une fraternité d’ « élite » – à des affabulations, la plus marquante étant son allégation de doctorat en science. Sa consommation d’alcool et de drogues était régulière pendant cette période.

Le Dr Duntsch s’est rapidement trouvé un point fort : celui de rédiger particulièrement bien les demandes de crédit de recherche et de bourses pour le laboratoire d’histologie pour lequel il travaillait, après une spécialisation en neurochirurgie. En moins de 3 ans, il a ainsi pu récupérer plus de 3 millions de dollars (2,8 millions d'euros), ce qui a fait de lui un élément indispensable du campus.

Le Dr Duntsch a ensuite créé deux sociétés de valorisation de cellules-souches indépendantes de l’Université. Et c’est là que les ennuis ont débuté. Après une mise en cause pour fraude, il a dû quitter le Tennessee pour fuir la faillite personnelle. Une époque où sa femme en était réduite à se produire dans un club de strip-tease pour subvenir aux besoins de la famille.

Profil psychopathique et tueur en blouse blanche

En 2010, Le Dr Duntsch s’installe comme neurochirurgien à Dallas à l’hôpital Baylor Plano. Il semblerait que les directeurs de l’établissement aient vérifié les références du médecin. Grâce à un cloisonnement de ses activités le neurochirurgien a pu donner des noms de personnes qui le recommandaient et ne semblaient pas informés de ses problèmes annexes. Le Dr Duntsch a opéré un jour par semaine pendant au moins un an avant que le nombre des plaintes de patients et de confrères alerte l’établissement et le Medical Board (équivalent du Conseil de l’Ordre). Son diplôme n’a été suspendu qu’en 2013, le profil psychopathique du médecin a été retenu par l’ensemble des confrères qui avaient à juger de son aptitude à exercer.

Ce n’est qu’en 2015, après une investigation menée par Lee Passmore et Dr Robert Henderson, le patient et le médecin qui ont enquêté sur lui, que le Dr Duntsch a été mis en cause juridiquement.

Seules 5 familles ont accepté de participer au procès qui s’est tenu entre les mois de janvier et févier 2017. L’avocat de la défense a plaidé « la faute à pas de chance ». Lee Passmore qui a lutté pour une mise en cause sur fautes répétées ne cherche pas à tirer de son action un quelconque bénéfice. Il souhaitait simplement mettre les patients à l’abri de cet homme dangereux après avoir découvert qu’il avait rendu tétraplégique l’un de ses meilleurs amis en l’opérant et qu’il avait envoyé des mails dans lesquels il déclarait qu’il était « un tueur de sang-froid ».

L’avocat général, Justin McCants, dans sa conférence de presse à l’issue du procès, a expliqué sa satisfaction devant l’incarcération définitive de ce tueur qui se cachait derrière un « prétexte de soins ».

Dr I. C.

Source : Le Quotidien du médecin: 9565
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