La septième séance de négociation conventionnelle s’est achevée à 6 h, ce jeudi matin, au terme de 15 heures de discussion. L’Assurance-maladie, les organismes complémentaires santé (représentés par l’UNOCAM) et les syndicats de médecins libéraux ne sont pas parvenus à un accord pour encadrer les dépassements d’honoraires. Les syndicats ont refusé de signer un relevé de conclusions qui jette les grandes lignes d’un projet d’avenant à la convention médicale, qui devra être soumis aux instances des syndicats et de l’UNOCAM d’ici au 22 octobre, veille de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’Assemblée. Les partenaires doivent se retrouver au siège de la CNAM ce lundi à 18 heures pour une réunion de la dernière chance.
L’avenir de cet accord est aujourd’hui très incertain. Pour être valide, l’avenant doit recueillir la signature de syndicats qui pèsent au moins 30% des voix aux dernières élections professionnelles dans chacun des trois collèges (médecins généralistes, spécialistes et praticiens des plateaux techniques lourds). Or, le directeur de l’UNCAM a souligné qu’aucun syndicat ne pouvait signer seul cet avenant.
La CSMF et MG France, longtemps pressentis pour signer le relevé de conclusion, auront même besoin d’un troisième syndicat pour atteindre 30% dans le collège des plateaux techniques lourds. La décision du SML, qui se réunit en conseil d’administration ce jeudi à 16 heures, pèsera donc lourd sur l’approbation ou le rejet de ce texte.
Régulation des tarifs excessifs : un seuil possible à 150 % du tarif Sécu
L’Assurance-maladie a pour la première fois fixé un seuil au-delà duquel les dépassements seraient qualifiés d’abusifs. « Nous considérons, en accord avec les pouvoirs publics, que les dépassements qui excéderaient 150% du tarif de la Sécurité sociale, seraient excessifs », a déclaré Frédéric van Roekeghem. Ce taux serait par la suite revu à la baisse pour atteindre 100% « à terme », a ajouté le patron de la CNAM. Cela signifie que pour une consultation de spécialiste de 28 euros, un tarif qui excéderait 70 euros serait jugé excessif. Ce seuil, annoncé par la CNAM, ne figure pas dans le projet d’avenant. Le SML a exprimé sa farouche opposition à la mention d’un quelconque plafond du secteur II.
En cas de dépassement jugé excessif par une commission paritaire régionale (rassemblant l’Assurance-maladie et les médecins), un arsenal de sanctions progressif verra le jour. Celui-ci ira de la suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux du praticien au déconventionnement en passant à la suspension du droit permanent au dépassement. Le directeur devra prendre une décision conforme à l’avis de la commission.
Un contrat pour geler les compléments
Afin d’améliorer l’accès aux soins des patients, un contrat sera proposé aux praticiens de secteur II (les anciens chefs de clinique en sont pour l’heure exclus). Les médecins pourront souscrire à ce contrat réversible et d’une durée de 3 ans entre le 1er janvier et le 30 juin 2013. La question du niveau maximum de dépassement moyen pour y être éligible a fait l’objet d’une longue discussion. Ce contrat d’accès aux soins devrait être réservé aux praticiens dont le taux de dépassement n’excéderait pas 100 %.
Dans le cadre de ce contrat, le médecin s’engage à geler son taux de dépassement (qui diminuera en réalité au fur et à mesure de la hausse des tarifs opposables). Ce contrat élargit également la part d’activité aux tarifs opposables que le praticien s’engage à respecter pour les patients modestes (situations d’urgence, patients en CMU-C et éligibles à l’ACS). Les autres patients seraient mieux remboursés par l’assurance-maladie. La CNAM prendrait en charge les cotisations sociales des médecins contractant pour la part des actes réalisés aux tarifs opposables. Un observatoire sera créé pour veiller à la bonne mise en œuvre du contrat d’accès aux soins.
Revalorisation du secteur I
La plus grande partie de la soirée a été consacrée aux discussions autour de la revalorisation des tarifs opposables. « Nous sommes parvenus à fixer des priorités », a confié Frédéric van Roekeghem. Dans le cadre de la réforme de la nomenclature technique, qui s’étalera sur trois ans, « la priorité ira à la chirurgie et la gynécologie-obstétrique », dont les actes sont jugés sous-cotés. Trois spécialités ont été mises de côté pour l’instant : l’ophtalmologie, la néphrologie et l’anesthésie. « Un plan d’économies de 200 millions d’euros sur trois ans sur l’imagerie médicale (radiologie, IRM, échographies non obstétricales…) permettra de financer par redéploiement les tarifs d’autres spécialités », a précisé Frédéric van Roekeghem.
La réévaluation de la nomenclature clinique (réforme des consultations) a fait l’objet d’un bras de fer. L’accord prévoit la mise en place d’un complément forfaitaire de 5 euros versé directement au médecin de secteur I pour la prise en charge des patients de plus de 85 ans à partir du 1er octobre 2013 et pour les patients de 80 ans à partir du 1er octobre 2014. Cela concerne 32 millions de consultations par an, soit un coût potentiel de 160 millions d’euros pour l’assurance-maladie.
Plusieurs consultations approfondies (longues et complexes) de parcours ont été définies, et feront l’objet de majorations, pour le suivi des insuffisants cardiaques et les sorties d’hospitalisation. Une rémunération du volet médical de synthèse est également prévue, financée par les organismes complémentaires à hauteur de 120 millions d’euros. Les mutuelles abonderaient également à la rémunération des 30 millions d’euros pour les consultations approfondies.
En quittant la négociation au petit matin, le SML a dénoncé une « mascarade ». « On mélange la revalorisation du secteur I et l’encadrement des dépassements d’honoraires, le contrat n’est pas respecté », a regretté son président le Dr Christian Jeambrun.
« On essaie de nous arracher une signature », a déploré le Dr Xavier Gouyou-Beauchamps, du BLOC, selon qui « on demande des efforts au secteur II pour revaloriser la médecine générale de secteur I ».
Pour le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, les revalorisations de secteur I interviendront en 2014 : « On fait mine d’encadrer sans encadrer, c’est un simulacre de négociation ».
« Je regrette que l’on n’ait pas pu aboutir ce soir, a confié le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. La contribution des complémentaires n’a pas été formalisée de façon claire et définitive et par ailleurs ce texte mérite des précisions. »
Le Dr Claude Leicher, président de MG France note qu’il n’y a toujours pas de niveau supérieur de dépassements dans le projet d’avenant mais il reconnaît des « avancées intéressantes de revalorisation d’actes et de fonction du médecin traitant ».« Nous avons été au bout de la négociation, a quant à lui déclaré Frédéric van Roekeghem . Les syndicats vont se tourner vers leurs instances et nous nous retrouverons lundi à 18 heures. J’espère que le week-end portera conseil. »
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